mamimadi l'humeur hebdomadaire |
21 août - Ma douche Je suis devenu progressivement addict à la douche quand j'ai dû partager mon temps entre mon atelier et ma salle de classe, pour passer de la salopette du mécanicien au costard-cravate du prof, comme si la grande lessive était nécessaire pour accompagner et favoriser le changement de logiciel cérébral. Le rapide débarbouillage quotidien complété de la douche épisodique ne suffisait plus, il me fallait passer sous le jet chaud pour assurer sereinement la transition entre mes clients et mes élèves. Très rapidement, la douche matinale quotidienne s'est fait ressentir comme indispensable pour parfaire la transition principale de la journée, celle qui fait passer de la nuit au jour, du sommeil à l'éveil, de la somnolence à la présence, du farniente à l'action. Et, au-delà d'une simple séance de lavage, ma douche s'est dotée d'un véritable protocole de prise de possession du corps par l'esprit. Le jet humide et bien chaud balaie les pieds, la jambes, le tronc et puis s'arrête le temps d'accrocher la pomme afin que l'eau puisse tomber ensuite d'une bonne hauteur sur les épaules , la hauteur qui permet d'avoir l'impression de percevoir l'impact de chaque goutte. Les doigts massent longuement le crâne encore sec comme avant l'accomplissement d'un geste décisif, car immerger la tête en est un pour moi, sous la douche comme lors de la baignade où le milieu aquatique - température, vagues, salinité,... - reste étranger tant que la tête y est étrangère. Alors seulement commence le savonnage. Avec un savon solide dont le passage sur chaque partie du corps permet d'en prendre conscience. J'ai délaissé depuis longtemps les savons liquides que la main dépose sans autre contact qu'ele-même. Pour cette raison mais aussi parce qu'on les surconsomme trop facilement : "pour se laver, l'homme salit la nature" ; le moins possible, c'est moins pire ... Étaler le savon à la main prolonge la prise de possession du corps. Jusqu'au bout des doigts dont le croisement d'une main dans l'autre pendant de longues secondes m'est devenu incontournable. Seul le dos y échappe bien sûr, aucun artifice n'étant installé chez moi pour pallier l'inaccessibilité naturelle ; c'est mon regret quotidien. Le rinçage revient un peu pour moi à dissoudre la peau de la nuit pour révéler celle qui m'accompagnera tout le jour à venir. Vraiment. Même si ma journée a pu commencer quelques heures auparavant, devant mon ordinateur préféré en particulier, l'entièreté de ma personne n'est disponible qu'après ces instants devenus quasi rituels. Suis-je normal, docteur ? J'ose imaginer que ma douche est celle de beaucoup d'entre vous, à quelques variations près dont l'envie de la raconter... Non ? |