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l'humeur hebdomadaire

13 juin- Idées pas lumineuses

Ombres et lumière

        La lumière ne se voit que lorsqu'elle s'arrête, tout le monde le sait bien. Non ? La lumière de la lampe de poche tenue devant soi ne sera perçue par le porteur qu'après la rencontre avec des objets qui la stopperont, la réfléchiront et/ou la diffuseront et/ou l'absorberont en en réémettant une partie. Le trajet de la lumière n'est visible que si des particules fines comme celles de la poussière, de la fumée ou du brouillard en prélèvent une part jusqu'à disparition complète. Détecter une présence de lumière revient donc à la faire disparaître ...

        Un certain nombre de choses, de phénomènes ou d'entités s'évanouissent ainsi dès qu'on se propose de les révéler, les concrétiser, les posséder en quelque sorte. Les bulles de savon par construction, l'intimité par définition, le bonheur des petits plaisirs sans doute parce que la gourmandise est un vilain défaut.

        L'exemple que j'expérimente personnellement le plus souvent est celui du rêve de fin de nuit, vous savez, celui qui se vit dans la semi-inconscience - et donc semi-conscience - du réveil. Les images en sont bien nettes quasiment jusqu'à mon réveil, des images de scènes tout à fait loufoques et improbables bien entendu et dont j'aimerais parfois consigner le pitch. Cette reconstitution m'a été rarement possible, les images s'évanouissant rapidement de ma conscience, des plus anciennes aux plus récentes, ne laissant souvent gravée que la toute dernière scène à partir de laquelle j'essaie parfois de reconstruire l'ensemble raisonnablement. Difficilement. Le rêve raisonnable ou la raison onirique semble inaccessible à mes petits neurones ...

        L'amusant de l'histoire est que ce rayon de lumière et toutes ces choses détruites par leur détection sont l'exact opposé de toutes ces autres choses qui réapparaissent alors même qu'on se propose de vérifier leur disparition. La lampe du frigo est-elle bien éteinte quand la porte est refermée ? Ce bouton qui me démangeait me démange-t-il toujours ? Me suis-je enfin débarassé de cette chanson imbécile qui m'a pris la tête toute la journée ?

        Chant scieUne chanson s'est emparé de ma Ford intérieure récemment pendant deux ou trois jours. Un chant plutôt, un chant religieux, en latin puisque remonté du fond de mes jeunes années où l'ésotérisme du latin accompagnait si bien les mystères de la religion. Lorsque je l'entendais tourner, je m'inquiétais de m'en débarrasser et lorsque je prenais conscience de ne plus l'entendre, elle reprenait du service" ... Elle a disparu depuis heureusement mais, un peu comme l'endormissement qu'il est impossible de vivre consciemment, je ne me suis pas rendu compte du moment où je n'ai plus perçu ni la présence du chant-scie ni son absence.

Lutin