mamimadi l'humeur hebdomadaire |
26 novembre - Musique jaune Bien sûr j'aurais pu surfer sur la crise de gilets-jaunisme qui secoue le pays pour construire ma petite humeur hebdomadaire. Peut-être même l'aurais-je dû tant cette crise est urticante, non pas pour ceux qui en sont atteints, mais pour ceux qui doivent la subir, cette marée de jaunes grognons qui tsunamise les ronds-points, brûle les pneus sur les axes importants, daechise les automobilistes piégés et contraints de brandir le voile jaune comme laissez-passer. J'aurais dû, mais chacun sait bien que se gratter n'apporte qu'un apaisement provisoire précédant une dégradation bien pire. Alors, je me suis réfugié dans la musique. Parce que, savez-vous quoi ? Je ne découvre vraiment la musique classique, la "grande" musique de ma jeunesse, que depuis ma relativement récente sexagénaritude. C'est qu'il faut du temps, celui de la retraite par exemple, pour découvrir ces constructions sonores, en retirer la gangue des préjugés et le voile présupposé classieux. J'ai commencé par y prêter une oreille distraite, pour accompagner une lecture ou une rédaction et puis, y trouvant quelque plaisir, je me suis pris à déambuler équipé du casque wifi ou des oreillettes bluetooth diffusant les grands airs de France Musique. Ma culture musicale était quasi nulle, elle l'est toujours. Mais cela n'interdit pas d'éprouver des sensations et puis, progressivement, de tenter d'en connaître la provenance en allant un peu plus loin que la simple écoute globale, en portant l'oreille sur tel ou tel instrument, tel ou tel tempo, changement de rythme. La galaxie des compositeurs reste une grande nébuleuse pour moi, a fortiori celle des grands chefs d'orchestre ou des grands interprètes solistes, la gamme des instruments par moi repérés se comptent sur les quatre doigts de la main du Mickey que je suis dans ce domaine, et, bien entendu, le vocabulaire associé à l'art musical reste un grand charabia, mais point n'est besoin d'être soi-même architecte ou constructeur pour tenter d'apprécier la qualité, la fonctionnalité ou l'esthétique d'un bâtiment. Si ? C'est que je perçois chaque jour davantage l'œuvre musicale comme une construction improbable. Il me semble que, bien davantage que pour la réalisation d'un bâtiment ou même celle d'autres œuvres plus spécifiquement artistiques, les sons qui parviennent au cerveau - oui, au cerveau - sont le produit de choix infinis et d'aléas improbables. Les choix apparemment illimités du compositeur, les choix et les qualités du chef d'orchestre, les qualités des musiciens, de l'auditorium et de l'enregistrement et les aléas qui accompagnent l'ensemble à chaque étape, principalement les états d'âme de chaque intervenant dans la chaine qui lie le compositeur devant sa partition encore blanche à l'auditeur, qu'il soit spectateur ou pas. Mes vieilles oreilles ne supportent pourtant pas tous les airs et certains d'entre eux les pincent autant que la bise hivernale de nordet. Passe-montagne vite enfilé ici, casque audio vite retiré là, la protection des plaisirs contraignant souvent à des évitements tels que celui que j'ai dû effectuer ce dernier weekend sur des routes de campagne évitant les ronds-points saturés de jaune agressif. Empêcheurs et empêcheuses de tourner en rond, baissez donc d'un ton, vous serez peut-être mieux entendus ! |