mamimadi l'humeur hebdomadaire |
16 juillet - Êtes-vous Pavard ? On a dit qu'il avait fait trente millions de téléspectateurs en France, quasiment la moitié de la population française, nourrissons et mal-voyants compris, trente millions de gens qui se sont assis devant leurs petits écrans devenus grands, toutes autres affaires cessant, sans même savoir si le spectacle serait à la hauteur de leur inconditionnalité. Et le spectacle le fut, à ce qu'on en a dit. Du grand jeu, tout plein de bonds et de rebondissement, de passes et de courses. Et puis surtout, surtout, la victoire, cette récompense qui n'en est plus une lorsque la partie est mauvaise mais qui suffit à en glorifier les acteurs. Pierre de Coubertin doit se retourner dans sa tombe lorsqu'il est possible de lire ou d'entendre : "L'important n'est pas de jouer mais de gagner !" Vous avez compris que je n'ai pas vu le match opposant l'équipe de France de football à celle de Belgique. Je m'en suis bêtement privé alors que je pouvais raisonnablement présager que la partie serait intéressante, même si notre équipe nationale devait la perdre. Bêtement. L'assimilation à trente millions de personnes regardant toutes dans la même direction m'a été - une fois de plus - insupportable. Je n'ai pas été Charlie, non, et je ne suis pas non plus Griezmann, ni Mbappé, ni Pavard. La foule monolithique hurlant dans le même sens me fait trop peur. Je me souviens encore du seul match de foot un peu important auquel un ami m'a entraîné "en live" voici de nombreuses années : l'ami, je ne l'ai plus reconnu après le coup d'envoi, lui, si calme, que je voyais alors se lever avec les autres, brandir le poing, vociférer "Aux chiottes l'arbitre !" ; et moi qui me sentais assez mal de ne pas me comporter comme les autres, comme "tout le monde"... Demain se joue la finale de cette "Coupe du monde de football" en Russie et je me trouve aussi malheureux que l'âne de Buridan ne pouvant choisir entre l'eau et l'avoine. Choisirai-je de suivre le troupeau ou bien choisirai-je bêtement de m'en distinguer ? Si l'âne avait été moins bête, il aurait compris qu'il lui était possible d'alterner avoine et eau, un coup de museau d'ans un seau puis dans l'autre. Serais-je plus sot qu'un âne ? |