mamimadi l'humeur hebdomadaire |
19 septembre- Hypocondriaque Quand j'étais petit je croyais qu'on grandissait, vivait et vieillissait en attendant la maladie et la mort comme point final. Le temps passant, je me suis rendu compte que la maladie n'attendait pas forcément que la vie se passe et qu'on allait désormais chercher la maladie sans attendre qu'elle fasse son apparition. La rechercher, plus précisément. Je reviens de ma visite annuelle chez "mon" médecin. Pas de gloriole dans l'annonce de cette fréquence qui pourrait être encore plus faible si les associations sportives n'exigeaient qu'un certificat de bonne santé leur retire toute responsabilité en cas d'accident : j'ai de la chance et cet état ne saurait durer bien évidemment. L'homme en charge de la partie somatique de ma personne a pris ma tension - hum ! un peu trop élevée, détendez-vous, je recommence ; hum ! un peu moins mais encore trop ... à surveiller ! Et puis - respirez à fond - il a écouté mes poumons d'un air soupçonneux, placé au bout de mon doigt la pince magique annonçant le résultat de leur travail de ventilation - hum ! quatre-vingt-dix-huit. Et puis encore, profitant de ma position allongée : hum ! le foie ? pas de gêne ? - et d'appuyer fortement sous le thorax comme pour pouvoir annoncer ah ! vous voyez bien que j'avais raison de me méfier ! Une fois les appareils rangés et ma personne revenue sur la chaise d'accueil, l'auscultation ne fut plus que cérébrale. Des interrogations sur mon coeur - pas de palpitations ? pas d'étourdissement ? je vous prescris quand même une visite chez le cardiologue, vous savez, à votre âge ... -, sur une prostate vieillissante et forcément inquiétante à mon âge - vous urinez bien ? -, sur mon appareil digestif - ah ! vous êtes invité à pratiquer l'hémocult ... je vous explique ... si le résultat est positif, ça ne veut pas dire forcément ... une colonoscopie ... -, et puis - bon ! un petit bilan sanguin général, ça ne peut pas faire de mal et ça risque d'être utile, à votre âge. Depuis cette consultation, je me demande si, le soir, mon coeur ne bat pas un peu trop fort et trop vite. Si, en y portant vraiment mon attention, je ne sentirais pas quelque chose, là, à droite, sous mes côtes. Si, de façon très fugace et, pour cette raison, d'autant plus sournoise, il n'est pas arrivé que des absences insaisissables ne traversent mon petit cerveau. Si l'inévitable perte de vigueur du jet de mon urine n'est pas significative de maladie à l'œuvre. Si ... Bref, je m'écoute, et ça me rend malade ! Sans doute devrais-je consulter maintenant le spécialiste de la partie psychique de ma personne, quelqu'un capable de me persuader qu'on peut s'inquiéter de sa santé sans s'inquiéter, que la prévention n'induit pas forcément la maladie et qu'il vaut mieux détecter précocément la maladie pour la regarder en face. Il aura fort à faire sur ce dernier point, l'annonce de la probabilité d'une maladie dans un temps probable à une personne encore saine à cent pour cent ne me paraissant pas trop raisonnable. Les progrès de la génétique permettent d'annoncer aux personnes porteuses d'un certain gène un pourcentage de risque de développer une certaine maladie à un certain âge. De quoi pourrir la vie de ces personnes bien avant l'arrivée de la maladie, sauf intervention d'un psy de haut niveau, même si, pour tous les autres, quelles que soient les configurations génétiques, les prognostics sont funestes à coup sûr. Non ? |