mamimadi l'humeur hebdomadaire |
8 février- Clairement
D'accord, d'accord, ami Boileau. Mais, d'une part, est-il toujours possible, nécessaire ou souhaitable d'exprimer clairement des idées claires ? Et, d'autre part, est-il impossible d'exprimer des idées floues de façon claire ? Genoux demande ... Toujours possible ? Comment exprimer par exemple l'idée hyper lumineuse qu'on vit. "Je vis" ne suffit évidemment pas pour dire toute la conscience qu'on a de l'histoire qui nous a amenés à cet instant de l'énoncé, rendre compte de toutes les sensations, tous les sentiments éprouvés au moment de cette affirmation. Toujours nécessaire ? Heureusement que non, nous n'en finirions pas d'exposer clairement les innombrables idées claires traversant continûment un cerveau moyen pourtant si diablement limité. Les cas d'absolue nécessité sont certes nombreux et j'aurais de la peine à hiérarchiser les exemples, mais les exemples d'absolue inutilité ne manquent pas non plus et la difficulté à les citer serait du même ordre. Toujours souhaitable ? Être capable de formuler clairement une idée claire n'implique pas forcément qu'il faille le faire. La garder pour soi laisse le champ libre à d'autres paroles peut-être plus intéressantes pour elles-mêmes ou pour la relation avec leurs émetteurs ; les non-dits ouverts laissent souvent plus de champ que des affirmations closes. L'exposer de façon approximative fait encore mieux puisqu'au lieu d'ouvrir sur du vide, c'est un nuage pixellisé de l'idée qui va s'injecter dans la conversation ; sous réserve d'accepter cette pixellisation et de ne pas considérer le nuage comme la pensée toute nue, c'est une sorte d'ensemencement d'idées qu'il est ainsi possible d'effectuer. Et d'autre part ?... Si l'abondance d'expressions floues d'idées floues semble due au fait qu'elles soient à la portée du premier venu, la problématique a priori oxymorique de la formulation claire d'une idée qui ne l'est pas n'est peut être aussi absurde qu'il y paraît. Comment mieux décrire une belle réalisation artistique par définition complexe et non découpable en morceaux analysables séparément qu'en en disant "C'est beau" ? Chimène aurait-elle pu mieux dire son immense désarroi qu'en adressant à Rodrigue son fameux "Va, je ne te hais point" ? Alors ? Alors vous aurez peut-être compris au bout de petit texte pas trop clair que je m'y fais clairement le défenseur du droit d'énoncer des idées, même confuses et indicibles, de la façon adaptée aux capacités ou à l'humeur du moment. Et tant pis si les disciples de Boileau n'y retrouvent pas leur compte. |